Marcel Guieysse (1881-1967)
"J'ai lu avec intérêt votre lettre du 13 courant ; elle a le mérite de bien fixer votre position ; je peux donc en faire autant en ce qui me concerne. Nous différons quant au fond : vous considérez la Bretagne comme une province française qu'il serait criminel de séparer de la France. Nous proclamons que la Bretagne est une nation, toujours méconnue par la France. La France n'a cessé de vouloir la détruire ou l'assimiler : le devoir d'un Breton est de maintenir, de sauver sa patrie.
Comme conséquence, nous différons quant à l'action à mener en ce moment. Depuis des années, nous combattons pour la Bretagne-Nation ; dès avant-guerre, nous avons tout risqué pour faire triompher notre idéal. La décomposition intérieure de la France n'est pas notre fait et, constatant cette décomposition, nous avons d'autant plus ardemment voulu sortir la Bretagne de l'Etat français.
Nous n'avons donc aucune raison, aujourd'hui où la France récolte le résultat de ses fautes passées, de renoncer à notre action. D'autant que vous le savez aussi bien que nous : quelles que soient les constitutions que pourra se donner la France, elle continuera, comme l'ont fait tous les gouvernements et tous les régimes passés, à traiter la Bretagne et les Bretons en inférieurs.
L'indépendance de la Bretagne est, depuis des années, le but vers lequel nous marchons ; ce qui semblait à beaucoup un rêve impossible, est sur le point de se réaliser ; ce serait lâcheté et folie d'y renoncer ; nous nous considérons, en dépit de tous les risques à courir, comme responsables de la Bretagne de demain à l'égard des générations futures. Si nous réussissons -et j'en ai la pleine conviction - nous leur laisserons une Bretagne libre ; si nous échouions, la Bretagne retomberait dans sa déplorable situation et disparaîtrait rapidement. Trahir ? pour un Breton, c'est renoncer à l'affirmation des droits de la Bretagne, renoncer à la sauver enfin de cette situation inférieure où elle était maintenue.
Et, comme "jamais Breton ne fit trahison", nous restons fidèles à notre pays et ce, quoi qu'il puisse nous en coûter. Voilà ma position ; si elle est loin de la vôtre, vous ne pourrez ne pas lui reconnaître franchise, logique et même courage. Cela doit suffire pour que le Nouvelliste du Morbihan ne nous combatte pas, ainsi qu'il avait commencé à le faire."
Marcel Guieysse (1881-1967)
Président de la section du Parti national breton du Morbihan
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_39/La_langue_Bretonne_.pdf