Préparation du Carême - Mgr Duparc
Une des conditions du succès dans nos Catéchismes, c'est que l'enseignement soit donné dans la langue du pays. Il fut un temps où les pouvoirs publics combattaient l'emploi du breton en chaire, sous peine de suppression de traitement. Leur attitude actuelle est plus sensée. Mais Nous avons le regret de constater que, dans nos campagnes, certains parents, pourtant bien bretonnants, demandent qu'on apprenne de préférence à leurs enfants le Catéchisme français. C'est, disent-ils, que les enfants s'accoutumeront ainsi beaucoup mieux à l'usage de la grande langue nationale. Nous n'en croyons rien, et Nous en appelons sur ce point à l'expérience de nos instituteurs. C'est à l'école que l'on apprend le français, et la bonne méthode est de l'apprendre au moyen du breton. Quant au Catéchisme, il ne peut pas servir à enseigner le français à quelqu'un qui n'en a pas l'usage préalable. L'enfant ne saisirait même pas dans la leçon le vrai sens des expressions religieuses. Ce serait jeter de la confusion dans son esprit. Au Catéchisme, il s'agit d'apprendre la religion et non d'apprendre le français.
Le vrai moyen d'apprendre la religion, c'est de l'étudier dans la langue que l'on connaît et que l'on pratique depuis l'enfance. Nous demandons au Clergé et à notre corps enseignant de faire comprendre cette vérité aux familles qui les consultent. Le Clergé est loin d'être hostile à la langue française. Il a toujours fait campagne en sa faveur. Il y a 75 ans, notre poète national, Brizeux, nous reprochait, à nous, prêtres, de mal défendre notre langue celtique, et de pré- parer ainsi avec sa disparition la fin de la foi catholique dans le pays. Il disait : « Niveleurs imprudents ! La vieille langue éteinte, Tous les vices nouveaux chez vous arriveront ; Et, si vous élevez sur l'autel la croix sainte, Nul au pied de la croix n'inclinera son front. » Le bon poète exagérait. Ni la foi en Dieu, ni Ia langue bretonne ne sont mortes chez nous. La patrie française n'y a rien perdu, et nous en sommes fiers. Nous continuerons à favoriser de toutes nos forces l'enseignement du français dans nos écoles libres. Sous ce rapport, comme sous tous les autres, elles ont fait leurs preuves. Nous voulons seulement qu'on y fasse au breton la place à laquelle il a droit, et Nous entendons qu'aux enfants bretonnants on y enseigne comme à l'église le Catéchisme breton.