Je suis Breton
Xavier Grall.
" Latins, vous m’avez crevé les yeux !
Je suis Celte. Je suis Breton.
Je suis le barde condamné.
Ma démence fait ma force.
Parfois, au fond de l’ivresse, flamboie la voyance "
Éléments – le magazine des idées – consacre un bel article à Xavier Grall dans son numéro de juillet-août. En vérité, un somptueux hommage au « dernier barde ». Breton, catholique, poète, révolté perpétuel, Celte incandescent, il fut marqué par ses études au Kreisker de Saint-Pol-de-Léon puis au collège de Saint-Malo.
On trouve un florilège de sa pensée dans Le rituel breton, sa première suite poétique publiée en 1965. Des vers qui ressemblent fort à un manifeste : « Je ne suis pas de mon temps / Je ne suis pas de ce siècle mathématique, technique, atomique, chimique / Je ne suis pas d’ici / J’appelle les beffrois au siècle des HLM / et je veux des bourgs et des pommiers / au temps de l’usine et des passages cloutés. »
Mais la poésie nourrissant mal son homme, Xavier Grall fit carrière, à Paris, dans la presse étiquetée « gauche chrétienne » : La Vie catholique, Témoignage chrétien… Mais on le retrouva également chroniqueur vedette au Monde puisqu’il donnait chaque semaine au quotidien de la rue des Italiens un billet publié à la Une. Dans le numéro de fin de semaine, il remplaçait, dans cet exercice, le fameux Robert Escarpit après le décès de ce dernier. Mission qui ne pouvait être confiée par Hubert Beuve-Méry qu’à quelqu’un de grand talent.
Auparavant, il avait œuvré à Ouest-France. C’était sous la IVe République, à une époque où, dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, se faisait et se défaisait la politique – toute la politique. Le régime d’assemblée faisait figure de paradis pour les journalistes parlementaires – espèce complètement disparue – qui trouvaient le gîte et le couvert au Palais-Bourbon. Chaque grand journal possédait le sien. À Ouest-France, il s’appelait Xavier Grall. Mais l’esprit indépendant de ce dernier ne pouvait faire longtemps bon ménage avec l’esprit cauteleux du patron du quotidien de la rue du Pré-Botté (Rennes), Paul Hutin-Desgrées-du-Lou, accessoirement député MRP du Morbihan. Un compte-rendu de séance à la sauce Grall chatouillant tel ou tel député breton démocrate-chrétien ne pouvait qu’indisposer le sieur Hutin et ses amis.
Mais le journalisme militant l’habitait également puisqu’on retrouvait ses écrits dans le mensuel Bretagne magazine dont le rédacteur en chef était son copain Jean Bothorel. Il participa également à l’aventure du mensuel La Nation bretonne, qui se voulait plus impétueux que L’Avenir de la Bretagne de Yann Fouéré. C’était l’époque du FLB !
L’engagement politique conduisit même Xavier Grall à participer à une campagne électorale. C’était en juin 1968, après les fameux événements de mai. Le général de Gaulle avait dissous l’Assemblée nationale. D’où des élections législatives anticipées. Jean Bothorel avait décidé de se présenter dans la circonscription de Rennes-nord – celle d’Henri Fréville, le maire de Rennes – avec l’étiquette « Front breton » ; il avait pris comme suppléant Pierre Roy, le pilier de Kendalc’h.
À cette époque, les communes constituant cette circonscription – avec un morceau de la ville de Rennes – étaient encore rurales. Rien à voir avec le préri-urbain d’aujourd’hui. La campagne de Bothorel était réduite au minimum faute de ressources et de temps. Travaillant à Paris, il débarquait chaque vendredi soir à la gare de Rennes, flanqué de Xavier Grall. Tous les deux, pendant deux jours, distribuaient des tracts en allant de maison en maison dans ce qui était alors des petites communes. Le sommet de la campagne fut un meeting organisé un soir dans l’un des bâtiments de la place des Lices à Rennes. La télévision n’ayant pas encore détruit l’esprit de curiosité des citoyens, deux à trois cents personnes pouvaient se déplacer à ce genre de réunion. Xavier Grall savait donc se transformer en poète « actif », militant et distributeur de tracts.
Dans Éléments, Olivier François, l’auteur de ce coup de chapeau, affirme que «Xavier Grall mérite d’être écouté à nouveau» : « Nous préférons les bardes insurgés, les anarchistes lyriques, les cœurs assez battants pour heurter les parois des cages sociales et politiques, les Chouans, les bandits d’honneur et les gueux révoltés ».
Bernard Morvan
Crédit photo : DR
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